Mémoire: Projet de loi 148

4 March 2018

Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (AOcVF) est un regroupement provincial ontarien féministe et francophone, regroupant des organismes œuvrant pour l’élimination de la violence faite aux femmes. Nos membres sont des maisons d’hébergement, des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) et des programmes en violence faite aux femmes, qui offrent des services en français (SEF) aux femmes francophones touchées par la violence en Ontario.

Notre mandat est de :

  • Renforcer les capacités des SEF en violence faite aux femmes par la recherche, l’analyse et la compréhension des enjeux, la formation et le développement d’outils
  • Faciliter la concertation entre les groupes membres et les joueurs clés
  • Soutenir le développement et la consolidation des SEF en matière de violence faite aux femmes
  • Prévenir la violence faite aux femmes par la sensibilisation et l’action

Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (AOcVF) tient tout d’abord à remercier Le Comité permanent des finances et des affaires économiques pour leur engagement dans la lutte pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois.

En tant qu’organisme ayant pour mission de prévenir la violence et les inégalités faites aux femmes francophones de l’Ontario, nous appuyons tout changement législatif favorisant l’autonomie des femmes. Par le fait même, nous sommes en faveur du projet de loi 148 puisque celui-ci prévoit plusieurs mesures favorisant l’autonomie financière des femmes.

L’augmentation du salaire minimum à 15 $ bénéficiera grandement aux femmes de l’Ontario, car celles-ci ont des salaires inférieurs à ceux des hommes. Pour un dollar gagné par les hommes, les femmes gagnent en moyenne 73 cents et 61 % des employées recevant le salaire minimum en Ontario sont des femmes. L’augmentation du salaire minimum permettra à de nombreuses femmes d’augmenter leur revenu et par le fait même, d’améliorer leur niveau de vie ainsi que celui de leurs enfants.

Nous croyons que cette mesure pourra également aider les femmes qui travaillent au salaire minimum et qui vivent de la violence conjugale. En effet, nombre d’entre elles hésitent à quitter une relation de violence, car elles n’ont pas assez de moyens financiers pour subsister hors de la relation. Or, aucune femme ne devrait devoir choisir de demeurer dans une relation violente pour des raisons économiques.[i]

Le projet de loi 148 prévoit également des mesures favorables à l’égard des travailleuses occasionnelles, temporaires et à temps partiel, car elles auraient droit au même taux horaire que les travailleuses à temps plein pour le même travail accompli. En 2016, le salaire horaire moyen était de 13 $ pour les travailleurs à temps partiel et de 24,73 $ pour les travailleurs à temps plein. Une fois de plus, cette mesure est particulièrement importante pour les femmes, car elles sont plus à risque d’avoir un emploi précaire et de vivre en- dessous du seuil de la pauvreté[ii].

Nous appuyons également le droit à 10 journées de congé d’urgence personnelle par année, dont deux payées. Cette mesure permettra aux femmes une meilleure conciliation travail-famille[iii].  De plus, nous sommes heureuses de constater que la violence familiale et sexuelle est incluse dans la définition d’urgence personnelle, car les femmes sont en très grande majorité les victimes de ces types de violence.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, AOcVF appuie le projet de loi 148 qui s’inscrit dans la lutte pour l’équité en milieu de travail.

Cependant, AOcVF et ses organismes membres ont des inquiétudes sérieuses quant à l’implantation de ces mesures.

En effet, bien que les mesures prévues dans ce projet de loi s’annoncent bénéfiques pour de nombreuses femmes en Ontario, certaines pourraient devoir payer plus d’impôt ou devoir renoncer à certains programmes sociaux gouvernementaux auxquels elles ont présentement droit à cause de l’augmentation de leur revenu. Les changements proposés par le gouvernement n’auraient donc, à ce moment-là, aucun effet positif pour plusieurs d’entre elles.

De plus, en tant qu’employeurs, les organismes membres de l’AOcVF verront leurs dépenses salariales augmenter significativement par la mise en place de plusieurs des mesures prévues dans la loi qui les affecteront directement telles que:

  • l’augmentation rapide du salaire minimum
  • l’augmentation du nombre de jours de vacances annuelles
  • l’introduction des congés d’urgence personnelle

Une autre mesure sera également contraignante et plus coûteuse, surtout pour les maisons d’hébergement qui offrent des services 24h/7. Les employées pourront notamment refuser, sans répercussion, d’effectuer des quarts de travail si leur employeur le leur demande avec moins de quatre jours de préavis. De plus, si un quart de travail est annulé dans un délai de 48 heures avant son début, les employées devront être rémunérées pour trois heures à leur taux salarial habituel. Cela augmentera le fardeau administratif et financier des centres offrant des services 24h/7.

AOcVF voit plusieurs de ses organismes membres vivre de nombreux défis concernant la rétention du personnel.  Plusieurs intervenantes travaillent quelque temps dans un centre ou un programme francophone pour femmes victimes de violence conjugale ou d’agression à caractère sexuel ; puis poursuivent leur carrière dans des organismes anglophones offrant souvent de meilleurs salaires et conditions de travail.  Nous craignons que l’augmentation du salaire minimum rende les emplois, dans les organismes ou programmes francophones de services aux femmes, encore moins intéressants.

Pour toutes ces raisons, nous croyons donc qu’il est essentiel que le gouvernement prévoie un fonds d’urgence qui sera accordé à nos organismes, et ce dès la mise en place des premières mesures, afin de permettre à nos organismes d’absorber la hausse de leurs dépenses salariales puisque le financement présentement alloué n’avait pas prévu ces nouvelles dépenses salariales.

Si une telle mesure n’est pas mise en place, il est à craindre que les services offerts aux femmes aux prises avec la violence ainsi que les services de prévention et de sensibilisation à la violence conjugale et aux agressions à caractère sexuel ne soient affectés.

Au nom d’AOcVF et de ses organismes membres, je vous remercie de nous avoir offert l’opportunité de présenter un mémoire sur ce sujet si important pour les femmes.

Sonia Pouliot
Directrice générale par intérim d’Action ontarienne contre la violence faite aux femmes

[1] Jane Gurr et autres, Défaire les liens entre la pauvreté et la violence faite aux femmes, Centre national d’information sur la violence dans la famille, Agence de la santé publique du Canada, 2008

[1] Monica Townson, Canadian women on their own are poorest of the poor, Centre canadien de politiques alternatives, 8 sept. 2009

[1] Veerle Miranda, Cuisine, soin, bénévolat : le travail non rémunéré dans le monde, Organisation de coopération et de développement économiques, mars 2011, p. 19

 

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